Jean-Yves Bigot : Les aménagements préhistoriques de l’aven de Sot Manit (Saint-Maurice-Navacelles, Hérault), 1-10
Résumé
L’aven de Sot Manit est une cavité de la bordure méridionale du causse du Larzac ; cet aven fréquenté depuis la Préhistoire a été exploré en 1937 et en partie pillé dans les années qui ont suivi sa découverte. Les autorités en charge de l’archéologie ont dû réagir en ordonnant le prélèvement des derniers vases encore en place. De sorte qu’il n’existe plus guère d’éléments mobiliers rappelant la fréquentation de l’aven par les hommes de la fin du Néolithique. Depuis sa découverte, la présence de spectaculaires cupules creusées dans la roche a faussé la perception des visiteurs peu spécialisés et plus enclins à discuter l’hypothèse d’une seconde entrée.
Pourtant, quelques visites dans l’aven de Sot Manit ont suffi à reconnaître d’importants aménagements destinés à contenir ou détourner l’eau dans des réceptacles les plus divers : céramiques, bassins naturels ou artificiels. Dans l’aven, l’eau tombe en pluie et donne naissance à deux ruisselets qui s’écoulent en suivant une pente naturelle.
Ces filets d’eau ont été détournés par la mise en place de différentes structures comme un grand gour barré par un bloc de concrétion monumental. Les eaux ont été ainsi redirigées vers un bassin inférieur dont les capacités potentielles ont motivé les aménageurs. Des observations plus fines sur les bords ébréchés de gours naturels permettent de déduire les techniques de puisage de l’eau. Enfin, la présence d’un sentier, conduisant du bas du puits d’entrée à la zone exploitée, suggère un aménagement complet de l’aven.
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Vincent Biot, Jean-Pierre Holvoet : La formation de cadres de la Fédération française de spéléologie : une contribution à l’étude du milieu souterrain, 11-16
Résumé
La Fédération française de spéléologie (FFS) a été créée en 1963. Les premiers stages de formation proposés par sa commission enseignement, l’École française de spéléologie (EFS), reposaient essentiellement sur des approches techniques, même si la topographie faisait partie des thèmes abordés.
Il faut attendre les années 1970 pour que les premiers stages scientifiques soient organisés. À partir de 1998, l’EFS et la commission scientifique de la FFS décident de faire évoluer la formation scientifique en proposant une démarche pédagogique favorisant une participation plus élargie aux stages afin d’inciter le public non spécialiste à suivre ces formations : le stage national équipier scientifique était né. Son objectif était de permettre aux participants d’acquérir les techniques de relevés et d’observation en milieu souterrain et les éléments méthodologiques pour synthétiser les données et les publier. Pour les moniteurs, cadres fédéraux de spéléologie, ce stage est obligatoire dans leur formation afin de leur permettre d’acquérir des connaissances et d’être en capacité de transmettre les notions de base de l’observation souterraine dans les stages de formation auxquels ils seront amenés à participer. En 2016, ce stage national équipier scientifique laisse la place au stage national équipier environnemental dont la finalité est d’aborder et de former les spéléologues aux enjeux de conservation et de gestion du patrimoine souterrain.
En parallèle, depuis 2008, l’unité de valeur (UV) technique de la formation instructeur fédéral de spéléologie s’attache à mener régulièrement un travail d’expertise ou de documentation de cavités.
Ces stages équipier scientifique et environnemental montrent la diversité des travaux menés et leur contribution, d’une
part, à améliorer la connaissance du milieu souterrain et d’autre part à conduire un diagnostic patrimonial. Par ces actions de formation de cadres, la FFS reste un acteur de l’étude et de la conservation du milieu souterrain.
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Christophe Gauchon : Émile Delacroix, 1847, la première thèse de karstologie !, 17-22
Résumé
En janvier 1847, Émile Delacroix, professeur à l’École préparatoire de médecine de Besançon, soutient à Paris une thèse de science intitulée : Notice sur les sources et les cavernes et en particulier sur quelques sources du département du Doubs.
Ce texte bref, d’une douzaine de pages, envisage successivement ce qu’il appelle l’hydrographie souterraine et les variations de température. Dans la première partie, É. Delacroix pose les bases d’une théorie de la formation des cavernes.
On sait peu de choses sur la vie d’É. Delacroix et sur la façon dont il a pu travailler ; une ou deux indications laissent à penser qu’il s’est lui-même rendu sur le terrain, ne serait-ce que pour les mesures de température. Et
c’est sur la base de quelques observations en surface et sous terre qu’il énonce ses hypothèses sur le creusement des cavernes. Rien n’indique non plus qu’il ait continué à s’intéresser au sujet après la soutenance de sa thèse.
Cette Notice de 1847, année où ne furent soutenues en France que quatorze thèses de science dont celles de Louis Pasteur et de Charles Lory, reste à notre connaissance la première thèse sur la question des cavernes, et donc la première occurrence de cette question dans la production académique.
Or É. Delacroix est resté jusqu’à ce jour un quasi-inconnu, seul Trevor Shaw y fait une très brève allusion dans son History of cave Science. Il s’agit donc de replacer l’apport d’É. Delacroix dans cette proto-karstologie mal connue de la première moitié du XIXe siècle, après les travaux de N. Desmarest, d’A. N. Parandier et de J. Desnoyers, et bien
avant le traité d’A. Daubrée sur les eaux souterraines.
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Philipp Hauselmann : Le réseau Siebenhengste- Hohgant (Suisse), 33-44
Résumé
Le réseau Siebenhengste-Hohgant est l’un des grands systèmes souterrains du monde. Situé en Suisse centrale au nord du lac de Thoune, dans les calcaires des nappes helvétiques, la longueur cumulée des galeries atteint 350 km. Une grande
partie du bassin versant n’est guère typique des karsts d’altitude, car située dans les grès, mais les lapiaz contiennent la quasitotalité des formes karstiques que l’on peut rencontrer dans un contexte alpin. L’article présente les particularités de la région, nous informe sur quelques grottes, et retrace les travaux scientifiques qui y ont été menés. Les recherches spéléologiques et scientifiques sont loin d’être terminés.
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Nathalie Vanara, Philippe Fosse, Éric De Valicourt, Louis Deharveng, Marie-Christine Delmasure, Gérard Cazenave, Claude Berducou : Jean-Pierre Besson (1940-2014) : spéléologue, naturaliste, pyrénéiste, 23-32
Résumé
Jean-Pierre Besson (1940-2014) a travaillé dans tous les domaines liés au karst, notamment dans les Pyrénées occidentales, son terrain de prédilection. Son approche de la nature est celle d’un naturaliste. Il se passionne pour la spéléologie à l’âge de 13 ans et capture ses premiers cavernicoles à 16 ans. En 1959, il adhère à la société de spéléologie et de préhistoire des Pyrénées occidentales (SSPPO) ; il reste fidèle à ce club toute sa vie mais sait aussi s’investir régionalement (spéléo-secours 64 et CDS 64, CSR Aquitaine) et nationalement (BBS, Grandes expéditions de la FFS et stages). De 1961 à 1975, il est de toutes les grandes explorations souterraines engagées des Pyrénées occidentales. Après 1975, Jean-Pierre se concentre sur les inventaires spéléologiques en France et à l’étranger (six expéditions). Ses apports scientifiques sont particulièrement incontournables dans quatre domaines : 1/ l’hydrologie karstique (massifs du Col d’Aran, d’Iseye, de la Cuarde et des Arbailles), 2/ la biospéléologie (de nombreuses espèces lui sont dédiées), 3/ la paléontologie souterraine (notamment à travers cinq espèces emblématiques des Pyrénées que sont le lynx, l’ours brun, l’ours des cavernes, le bouquetin et la marmotte), 4/ l’archéologie souterraine (vestiges culturels et osseux de différentes périodes préhistoriques et historiques).
Jean-Pierre Besson était devenu, au fil du temps, la mémoire vivante de la spéléologie et de la montagne pyrénéenne.
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Edwige Pons-Branchu, Yves Quinif : La chronologie des spéléothèmes par les séries de l’uranium appliquée aux enregistrements par l’endokarst : Historique, perspectives et applications, 45-52
Résumé
La datation des carbonates secondaires (spéléothèmes) est un moyen d’étude complémentaire des études de terrain pour comprendre la genèse de l’endokarst et son évolution au cours du temps. Au cours des dernières décennies, ces datations ont aussi permis de développer de très nombreuses applications, comme par exemple pour l’étude des paléoclimats ou de l’apport de jalons chronologiques en géomorphologie, ou pour les études tectoniques.
La datation de spéléothèmes par la méthode 230Th/234U couramment appelée méthode « uranium thorium », sujet principal de cette présentation, a été proposée dès la fin des années 1960, puis a connu un essor important dans les années 1980. Aux premières, basées sur la mesure de la radioactivité (spectrométrie alpha) des isotopes de l’uranium et du thorium ont succédé celles basées sur leur mesure selon leur masse (spectrométrie de masse). Nous présentons ici ces évolutions techniques, et les gains en sensibilité et précision pour les mesures, qui se traduisent par un gain en précision sur les âges obtenus, la réduction considérable des échantillons analysés (et donc le gain en résolution temporelle et
spatiale) ainsi qu’un allongement de la période de temps couverte par ces datations, tant pour les âges les plus jeunes que pour la limite supérieure (jusqu’à 600 000 ans voire plus avec les dernières techniques).
Toutefois, l’obtention d’âges précis, quelle que soit la technique utilisée, reste dans de nombreux cas limitée par les particularités liées aux objets datés eux-mêmes : i) les spéléothèmes contiennent souvent une fraction « détritique » qui rend nécessaire l’application de corrections d’âge et qui impacte directement la précision sur ces derniers ; ii) les spéléothèmes subissent parfois des « ouvertures de systèmes » qui mobilisent les radionucléides et faussent les âges obtenus. Nous présenterons différents cas d’étude montrant ces particularités, ainsi que les moyens de correction ou validation des âges qui peuvent être mis en oeuvre.
Les applications de ces datations pour la connaissance de l’endokarst, sa genèse et son évolution, mais aussi, la connaissance du climat ou de la tectonique régionale seront elles aussi présentées.
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Bernard Collignon : L’aquifère karstique, objet d’études mathématiques ou naturalistes ?, 53-60
Résumé
La science hydrogéologique s’est développée depuis Darcy sur la base d’un modèle simple des aquifères en milieu poreux [Darcy, 1856], élaboré à partir d’expériences sur les filtres à sable des fontaines de la ville de Dijon.
D’innombrables observations de terrain ont ensuite confirmé que les aquifères en milieu poreux se comportent comme des
milieux homogènes et isotropes (à l’échelle de l’observation), dans lequel les champs de vitesse et de pression sont reliés par des lois simples.
Le succès de ce type de modélisation mathématique a été remarquable : en quelques décennies, on a dépassé les connaissances empiriques mal synthétisées qui étaient encore polluées par de simples croyances (comme le concept de « veine d’eau » qui persiste encore dans la culture des sourciers). L’hydrogéologie est devenue une science quantitative, dotée de capacités prédictives (concernant le débit exploitable, le niveau piézométrique, la vitesse de propagation des polluants et leur concentration, la propagation de la chaleur dans un aquifère…).
Pendant ce temps, les aquifères karstiques ont résisté obstinément à tous les essais de modélisation. L’hétérogénéité extrêmement forte du milieu karstique est la principale cause de ces difficultés. Cette hétérogénéité se manifeste à toutes les échelles, depuis la matrice rocheuse jusqu’aux rivières souterraines en passant par un réseau de joints et de diaclases qui échappe très largement à l’observation. Pour surmonter ces difficultés, deux grands types d’approche
ont été envisagés : l’approche mathématique/statistique et l’approche naturaliste. Leurs performances et leur champ d’application seront comparés, mais force est de constater qu’il reste beaucoup de progrès à faire avant de pouvoir disposer d’une véritable ingénierie des aquifères karstiques.
Le contraste est ainsi majeur avec l’hydrogéologie des milieux poreux : d’un côté une science avec une véritable capacité prédictive et de l’autre une littérature abondante, mais qui ne permet pas le plus souvent de prévoir comment se comportera l’aquifère en un point donné. L’hydrogéologue du karst est encore au fond de la caverne de Platon (c’est un comble) et tente d’interpréter des ombres fugaces pour prédire de quelle manière elles vont se déplacer à l’avenir.
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